Nous avons tous entendu parler du Grand méchant loup, mais ce que peu de personnes savent, c'est qu'il n'est qu'un piètre imposteur. Une mauvaise copie d'une autre légende tristement moins connue, sûrement en raison de quelques lettres "e" en plus, celle de La Grande Méchante Louve.
Le vacarme, la violence et la douleur qui régnaient dans la ville et dans l'appartement familial étaient devenus insupportables pour Evuol. Il fallait partir, s'extraire de l'asphalte asphyxiante. Le seul endroit qui semblait différent était le bois. Evuol l'avait alors choisi comme exutoire. La nuit était électrique et les nuages rouges quand elle y entrait. Au fur et à mesure qu'Eluol marchait, elle sentait le poids de sa cage thoracique s'alléger. Si bien qu'après quelques minutes, elle s'effondrait au pied d'un arbre, sur un lit de mousse qui semblait l'avoir attendu depuis toujours.
Quand Evuol rouvrit les yeux, à l'aube d'un soleil rouge, se trouvait devant elle un imposant loup. C'était le gardien du bois, il veillait à le préserver des humains et de leurs vices. Mais Evuol n'était qu'une enfant, et n'avait rien en elle de la cruauté de ses congénaires, qu'elle avait fuit. Ils se regardèrent longtemps les yeux dans les yeux, et comprirent qu'ils étaient semblables : dégoûtés du monde des hommes, amoureux de la nature.
Le Loup prit Evuol sous son aile, il lui appris à vivre en harmonie avec les arbres et les autres animaux, à préserver la nature qui les entourait, et surtout, à se défendre des attaques humaines. Evuol respirait enfin à pleins poumons, et hurlait à la lune rouge en coeur avec le Loup, ils étaient inséparables, et vivait dans une symbiose parfaite.
Il arrivait souvent que des hommes tentent de pénétrer le bois de leur soif de pouvoir, de déforestation et d'industrialisation. D'autres étaient aussi des criminels, violeurs, pédophiles, qui cherchaient à se cacher au sein de la forêt. Le Loup parcourait nuit et jour le bois pour prévenir ces intrusions, et lorsqu'ils trouvaient ces monstres humains, il les dévorait. Grâce à lui, le bois restait sûr et beau. Grâce à lui, les humains craignaient le bois et n'osait pas s'y aventurer.
Le Loup et Evuol vécurent heureux ainsi pendant des années. Jusqu'à ce qu'une nuit de pleine lune, le Loup, qui commençait à se faire vieux, partit anéantir un intrus qui tentait d'abattre des arbres, mais pour la première et dernière fois, il ne réussit pas à le vaincre. L'homme à l'immense hâche aiguisée lui avait tranché la tête comme il aurait coupé un arbre, tout le bois gémissait de douleur, et Evuol plus que tout le reste. L'homme, sentant la menace du bois tout entier qui criait vengeance, se mit à courir à toute vitesse pour s'échapper.
L'homme de retour à la ville se vanta partout d'avoir vaincu le loup, et raconta à tout le monde que le bois pouvait maintenant être piétiné. Le lendemain, lorsqu'il retournait dans le bois pour continuer ses méfaits, il ne se doutait pas qu'Evuol était là, avec tout le savoir, l'agilité et la maîtrise que le Loup lui avait légué. L'homme commença à entendre les cris de tous les animaux, qui rugissaient de rage, il pris peur et décida de prendre ses jambes à son coup. Seulement, à mesure que l'homme courait, la rage du bois montait, l'obscurité grandissait, et bientôt le criminel ne savait plus retrouver son souffle et son chemin. C'est alors qu'Evuol se dressa devant lui, rouge de soif de vengeance, et extermina l'homme avec une violence inouïe. Elle fit de même avec tous ceux qui osaient pénétrer le bois à nouveau, et, avec le crâne du loup posé sur sa tête, elle avait pris sa relève. En ville, tout le monde craignait le bois à nouveau car il y logeait en son sein celle qu'ils appelaient désormais : La Grande Méchante Louve.